19 mai 2013

Quimper et la cathédrale Saint-Corentin

Préfecture du Finistère, capitale de la Cornouaille, le rayonnement de Quimper va bien au-delà de son statut de ville moyenne (63 550 habitants). Culture, vie associative, loisirs, environnement... l'agglomération quimpéroise est un pôle d'activités attractif.

A 15 km des côtes atlantiques, Quimper est une ville résolument ouverte sur le monde et l'Europe, mariant harmonieusement tradition et modernité, qui a vu naître de nombreuses personnalités, parmi lesquelles René Laennec, médecin inventeur du stéthoscope en 1781, et des navigateurs tels que Philippe Poupon, Roland Jourdain ou Jean Le Cam... (www.quimper.fr)










Au début du XIIIe siècle, la politique de Philippe-Auguste instaure de manière pratiquement définitive l'influence de l'Ile-de-France sur la Bretagne, soutenue par une administration d'origine française.

Dès 1239, l'évêque de Quimper, Raynaud, lui aussi d'origine française, décide la fondation d'un nouveau chœur destiné à remplacer celui de l'époque romane. Il entame ainsi, à l'extrême ouest, le chantier d'une grande cathédrale gothique qui va s'inspirer des constructions d'Ile-de-France et devenir à son tour un lieu d'expérimentation d'où sortiront plus tard des formules adoptées par toute la Basse Bretagne.

Le chœur présente quatre travées droites avec déambulatoire et chapelles latérales. Il est prolongé vers l'est d'un chevet à trois pans qui ouvre sur un rond-point formé de cinq chapelles et d'une chapelle absidale de deux travées et à chevet plat consacrée à la Vierge.

La nef est formée de six travées dont une au niveau des tours de la façade et flanquée de doubles bas-côtés, un large et un étroit (fractionné en chapelles latérales) dans le prolongement des dispositions du chœur. Un transept saillant relie ces deux parties, dont l'importance rappelle le programme des grandes cathédrales d'Ile-de-France au début du XIIIe siècle.

La date de 1239, qui marque la volonté de l'évêque, n'implique pas une construction immédiate. L'observation des profils des piliers, de leurs bases, des chapiteaux, l'implantation des croisées d'ogives du déambulatoire ou l'alignement des travées laissent au contraire imaginer que la construction s'est étalée dans le temps.

Les quatre piliers circulaires marquent le début du chantier, mais les quatre suivant adoptent un plan en losange qui peut traduire un changement de maître d'œuvre . Les maladresses dans les voûtements du déambulatoire nord, des naissances des croisées d'ogives sur les tailloirs du déambulatoire sud ou du choix des voûtes en carole du rond-point qui permettent le raccordement de la chapelle d'axe au chœur malgré des problèmes manifestes d'alignement traduisent les hésitations et les influences diverses dans ces premières campagnes de travaux qui peuvent s'étaler jusques vers le début du XIVe siècle.

L'élévation à trois étages, arcades, triforium et baies parait beaucoup plus uniforme  et traduit cette fois l'influence de l'architecture anglo-normande dans l'affirmation de l'épaisseur du mur (passage normand au niveau des baies) ou des effets décoratifs ( fortes moulurations, frise décorative sous le triforium).  Ce chantier a du être mené d'un seul jet. Sans doute interrompu par la guerre de succession (1341-1364), il s'achève par la construction des voûtes à lierne (1410) et la pose des vitraux. L'évêque Bertrand de Rosmadec et le duc Jean V dont les armoiries vont orner ces voûtes achèvent donc le chœur avant de lancer le chantier  de la façade et de la nef.

La première pierre des tours dont le chantier va durer une trentaine d'années est posée en 1424. Il va être marqué par la volonté ducale qui se manifeste par un « mécénat » extrêmement actif qu'on retrouve sur les autres chantiers de l'époque (Le Folgoat, Locronan).Cette façade qui découle de la façade française à deux tours, intègre néanmoins l'influence anglaise avec la présence de deux baies en plein cintre sous un pignon triangulaire. Les tours,  elles mêmes issues des clochers normands,  découlent des recherches de Notre-Dame du Mur à Morlaix et du clocher du Kreisker à Saint-Pol de Léon. Le jeu décoratif et la prolifération des lignes verticales ne laissent pas percevoir l'importance des contreforts ornés de pinacles qu'on retrouvera partout dans l'architecture cornouaillaise  et notamment serviront de modèle direct à de nombreux clochers (Locronan, Pont-Croix, Saint-Herbot, Saint-Tugen, Carhaix ou Ploaré). Par ailleurs, jusque dans la plus petite chapelle rurale se retrouveront des éléments issus de ce vocabulaire flamboyant jusqu'au 18ème siècle, à l'origine de ce qui apparaît véritablement comme un style régional.

En même temps que s'élevait cette façade (à laquelle il faut adjoindre les portails nord et sud), démarraient par l'est les travaux de la nef qui sera achevée vers 1460.

Son plan s'inscrit dans l'exacte continuité du chœur tandis que les bas-côtés s'alignent sur le déambulatoire et les chapelles latérales. L'élévation reprend, avec un triforium aveugle, la balustrade en quatre-feuille et le passage normand le parti du chœur. C'est là un véritable archaïsme  au XVe siècle. Cette unité ne saurait pourtant  masquer une esthétique absolument opposée : là où le chœur affirmait une verticalité avec des colonnettes montant de la base des piliers à la naissance des voûtes, on peut voir au contraire dans la nef la présence de l'horizontalité, chaque étage étant souligné par un bandeau.

L'absence d'alignement entre le chœur et la nef suscite un certain nombre d'interrogations pour lesquelles ont été proposées de multiples interprétations. Présente dans de nombreuses autres églises de façon moins marquée, on y voit généralement une orientation symbolique reprenant la position de la tête du Christ sur la croix. Des interprétations plus techniques sont cependant souvent avancées, notamment celles évoquant la nécessité d'asseoir la construction de la nef sur des bases stables en l'éloignant du cours de l'Odet qu'un alignement rigoureux aurait rendu trop proche. Il faut aussi souligner le fait que le chantier du transept fut mis en œuvre en tout dernier lieu comme si on avait repoussé au dernier moment les problèmes de raccordement (vers 1460). Il faut noter à cet égard la particularité de la chapelle qu'il a fallu rajouter au chœur du côté sud pour se raccorder au transept. Elle nécessita alors la reprise de la dernière travée du déambulatoire, qui fut « rallongée », laissant ainsi le pilier sans retombée d'ogive.

Pour les voûtements de la nef et du transept, on retrouve le même parti que dans le chœur avec le lierne continu. Les différentes armoiries présentes sur les clés de voûtes permettent par ailleurs de préciser des datations qui situeraient l'achèvement des voûtes et leur mise en peinture de 1486 à 1500. On peut aussi avancer les mêmes datations pour la pose des verrières hautes.

Isolée de son environnement au XIXe siècle, la cathédrale est au contraire, à l'origine, très liée à son environnement. Son emplacement détermine les circulations dans la ville et l'orientation de la façade. Le positionnement à proximité de l'enceinte sud a occasionné des dispositions particulières comme le transfert des portails latéraux sur les façades nord et sud des tours : le portail sud, portail Sainte-Catherine, desservant la porte de l'évêque et l'hôpital implanté sur la rive gauche (préfecture actuelle) et le portail nord, porche des baptêmes, véritable porche paroissial avec ses bancs et les niches pour les statues des apôtres tourné vers la ville et complété par un ossuaire (1514). Le porche occidental trouve lui sa place naturelle entre les deux tours. Toute l'esthétique de ces trois portails ressort de l'époque flamboyante : quatre-feuilles, choux-frisés, fleurons, grands gâbles qui coupent les moulurations et balustrades. Des pinacles et des niches ornent les contreforts tandis qu'apparaît  tout un bestiaire : monstres, chiens, personnages énigmatiques, gargouilles et avec eux, tout un imaginaire au service d'un programme religieux et politique. Si la plupart des statues de saints a disparu, par contre subsiste un armorial qui fait des portails de la cathédrale une des plus belles pages héraldiques qu'on puisse imaginer : hermine ducale, lion des Montfort, blason de la duchesse Jeanne de France  voisinent avec les armes des barons de la Cornouaille avec heaumes et cimiers. Il nous faut par ailleurs imaginer l'impact de ce décor sculpté  avec la couleur et la dorure qui le complétait.

Au début du XVIe siècle on s'apprêtait à construire les flèches  quand le chantier fut interrompu, sans doute pour des raisons financières. On posa donc des petites toitures coniques au sommet des tours. Les siècles qui suivirent furent essentiellement consacrés  à la mise en place de mobilier (monuments funéraires, autels, statues, orgues, chaire à prêcher). Il faut noter l'incendie qui fit disparaître la flèche de la croisée du transept en 1620, ainsi que le sac de la cathédrale en 1793 où pratiquement  tout le mobilier disparut dans le "brûlis des saints".

C'est donc d'un bâtiment pratiquement achevé mais mutilé que le XIXe siècle va hériter et qu'il va s'employer à remettre en état suivant les goûts et les théories de l'époque.


































Les maisons à pans de bois font partie depuis longtemps du paysage urbain. Témoignage d'un savoir-faire médiéval, ces constructions ont jalonné les siècles, du XIVe jusqu'au XIXe  qui en a progressivement abandonné l'usage et les techniques.

Véritable puzzles de bois, ces maisons font aujourd'hui la fierté de la plupart des villes bretonnes. Grâce à elles, il est possible d'imaginer Quimper au temps des ducs, quand deux pouvoirs rivalisaient, le pouvoir de l'évêque dans la ville close et celui des ducs sur l'autre rive du Steïr, dans la Terre au Duc. Aujourd'hui encore, les deux grandes concentrations d'immeubles à colombage correspondent à  ces deux anciens centres et à leurs artères principales. D'un côté, la rue Kéréon, prolongement de l'axe de la cathédrale, de l'autre, la place Terre au Duc.

De nos jours à Quimper, 73 maisons à pans de bois sont conservées, allant de la première moitié du XVIe siècle au XIXe siècle. Ces maisons dans leur conception sont la traduction des organisations urbaines de la fin du Moyen-Âge alliant les circulations intra-muros à la répartition des commerces et ateliers artisanaux de type familial par corporations. La plupart des maisons sont construites sur un parcellaire étroit qui permet à un plus grand nombre de propriétaires d'avoir « pignon sur rue » tout en réduisant les longueurs de bois nécessaires à la portée des étages. Le rez-de-chaussée est réservé au commerce. Dans la plupart des cas, la boutique, séparée de la cuisine par une cloison, communique avec la rue par de larges ouvertures  dont les volets rabattus  forment les étals où sont présentées les denrées à vendre. Les étages sont occupés par la pièce à vivre et les chambres, les combles servent de grenier. Comme dans les maisons en pierre, la qualité architecturale, souvent reflet de celle des propriétaires, se manifeste par le décor extérieur (statuettes, inscriptions) et par les aménagements intérieurs (escalier en vis, cheminées, éviers et placards).








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